mardi 13 novembre 2012

Marie-Andrée Gill

Jeune Innue de Mashteuiatsh, Marie-Andrée Gill nous offre "Béante" son premier recueil de poésie paru chez "La Peuplade" le 5 septembre dernier. Une oeuvre déstabilisante, vertigineuse et évocatrice...

Chapître 1 : Tu te souviens

Tu te souviens on pleurait le calfeutrage des rivières
les territoires se décomposant sous nos ongles.
On s’ouvrait la tête pour ne plus sentir le ciel
se décolorer sur nos épaules.
On montait dans le bois se guérir des villages
et des envies tu te souviens
les grands cours d’eau qui allaitaient nos télévisions
On s’inventait une vie toute docile
et quand même
les mémoires saignaient
et ça nous sortait par les os.

Chapitre 2: Avant

Combien de fêtes à s’épuiser de caler nos restes
au fond de nous mêmes
Dit moi encore comment on engourdit les petits matins
pour ne plus se réveiller avec tous ces trous noirs qui nous parsèment
avec ces lucidités martelées d’espaces millénaires
que nous ne connaissons pas
les organes détachés trop longtemps
au milieu des choses.

Chapitre 3 : Les certitudes

J’étais avec toi jusqu’au bout des démesures
et je voyais la vie peindre son oeuvre,
la vie tranquillement avaler les miracles
dans les lignes de ta main.
Je ne savais plus pourtant j’étais sûre que tu disais
encore quelques tours du soleil j’étais sûre que l’espérance
n’était pas qu’un mot béatitude.
Que ton corps criblé pouvait refondre et prendre racine
sur les terres dont nous allions réapprendre les cent mille chemins
réapprendre l’incalculable médecine en suspension dans ce parallèle.

J’étais sûre. Je ne suis plus sûre de rien.
...
Chapitre 5 : Teueikan

Il chante.
De sa voix de chaman il dénoue les éclatements.
Il apaise.
C’est la langue des ancêtres, c’est la simplicité et la complexité du monde.
Je peux voir plus loin que la logique: la continuité des corps
et le souffle des milliards d’âmes former nos entités minuscules.
C’est les étincelles du feu.
C’est tous ces gens qui se tiennent
C’est les arbres dans leur danse
et le porteur de tambour dans sa transe.

Tu es là. Tu es partout.

Tshinishkumitin …

Merci….

Chapitre 7 : Après

Je peux tout supporter sur mes cils.
Tout tourne. Machinalement. Fluide.

Les temps changent disent-ils
d’un bout à l’autre des rangées,
de prescriptions
de bords de mer au idées noires.

Je chuchote pour ne pas chasser le rêve
(juste là )
s’exauçant sur les fantômes.

T’es toujours là quelque part
aérien somnambule jaune cosmique.

Tu sais on peux renverser les prédictions
dans tous ces siècles
qui nous passent entre les mains .

Regarde bien
nous ne mourrons plus dépolarisés.

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